Le 3 juin 2017 est une journée internationale pour la paix et la démilitarisation. En Europe elle sera déclinée sous l’angle des réfugiées.

Lors de la 10me rencontre internationale de la Marche mondiale des femmes à Maputo, les déléguées ont décidé que tant qu’il y aura des guerres le premier samedi du mois de juin une journée sera une journée internationale pour promouvoir la paix et la démilitarisation.

Au niveau mondial, près de la moitié des réfugiés sont à l’heure actuelle des femmes et des enfants. Les raisons spécifiques de la fuite sont rarement nommées et, de façon générale, on ne parle des réfugiés qu’au masculin : le réfugié, le demandeur d’asile.... Les femmes et les mineur-e-s souffrent de cette invisibilisation.

Pour contribuer à rompre ce silence autour des femmes et donner une visibilité aux réfugiées, nous de la Marche mondiale posons la question de leurs droits spécifiques: pour les femmes en fuite, la Suisse « terre d’asile » est-elle un lieu sûr ?!

 

Imaginez, vous êtes une femme et vous avez dû fuir et prendre la route de l’exil. Vous aurez, avec une forte probabilité, dû faire face à des agresseurs ; vous avez rencontré des trafiquants qui vous ont harcelée, des forces de la sécurité, voire des réfugiés qui vous ont menacée, peut-être avez-vous même été violée. Vous voici enfin arrivée là où s’arrête votre chemin, du moins est-ce là votre espoir. Vous déposez une demande d’asile en Suisse et vous êtes p.ex. enregistrée dans le centre fédéral des requérants à Bâle. Comment les femmes y sont-elles logées?

 

Nous avons demandé aux responsables de ce centre d’enregistrement ce qu’il en est:
Du rez-de-chaussée, où se trouve les salles communautaires, un escalier mène aux toilettes et douches réservées aux femmes. Tous les hommes doivent traverser cet espace. Les femmes qui se trouvent dans les douches et les toilettes sont directement exposées au regard de qui ouvrirait la porte. Un sécuritas est sensé se trouver devant cette porte pour en protéger l’accès, mais il semble que ce soit rarement le cas. Le matin les sécuritas réveillent les requérant.e.s. Entre 7h45 et 13h30 toutes les chambres sont fermées et personne n’a le droit de s’y rendre. Au rez-de-chaussée aucun espace spécifique n’est réservé aux femmes. Les salles communautaires sont dominées par les hommes. Parfois les collaborateurs et collaboratrices du centre prennent l’initiative d’organiser dans ces salles diverses activités, p.ex. du tricot, ou de la gymnastique dans le corridor devant les chambres fermées. Certaines femmes ont parfois peur de se faire agresser par des employés du centre. Mais il y a aussi de beaux moments dans ce centre fédéral de requérant-e-s. Un jour les responsables ont organisé une disco pour femmes : «En entrant dans la salle, les femmes avaient l’air sombre, elles semblaient démotivées, pâles comme la lune, mais à la sortie leurs visages rayonnaient comme le soleil, exprimant joie et chaleur. C’était miraculeux. »

Pour ancrer des droits spécifiques dans le domaine de l’asile, il faut une sensibilité et un engagement particuliers. Mais comme le relève « Terre des Femmes », souvent il manque la conscience de la nécessité de fixer des directives aptes à mieux protéger les femmes, mais aussi la volonté de le faire. Aussi longtemps que le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ne sera pas contraint d’instaurer des mesures de protection spécifiques pour les réfugiées et d’en faire contrôler l’application, les requérantes devront elles-mêmes se procurer leur pot de chambre lorsqu’elles craignent de se rendre aux toilettes la nuit. www.marchemondiale.ch

« Récemment j’ai acheté un pot pour mes besoins nocturnes. J’ai peur de me rendre aux toilettes le matin tôt, vers 5 ou 6 heures. » Enquête Terre des Femmes/Suisse 2014

Mais ce n’est pas que le logement qui est problématique. Mettez-vous une fois encore dans la peau d’une femme en fuite et préparez-vous à l’entretien que vous allez devoir passer à votre arrivée. Peut-être ne serez-vous pas surprise que durant cette interview, rien n’ait été prévu pour la garde de vos enfants. Peut-être le saviez-vous, mais peut-être non : lors de ce premier entretien officiel -si vous n’avez pas de chance- il est possible que vous vous trouviez face une équipe composée que d’hommes. Faudra-t-il leur raconter tout ce qui s’est passé pour vous durant votre fuite ? Si vous avez été harcelée et victime de violences sexuelles, faut-il le leur dire ? Comment en parler ? Ce qui vous est arrivé en route est traumatisant, et il est normal que suite à ce vécu choquant, vous fonctionniez, dans un premier temps, sur un mode de survie, càd en fermant les yeux sur ce qui s’est passé et en refoulant ce qui fait trop mal. Ce refoulé, s’il fait surface, ne pourra se traduire en mots que plus tard, ou peut-être jamais. Mais ce sera alors souvent trop tard pour que la procédure d’asile en tienne compte. Car peut-être vous accusera-t-on alors d’avancer des arguments ad hoc, sans preuve, juste pour tenter de relancer la procédure...

Et si vous n’êtes pas arrivée en Suisse sans passer par un autre pays d’Europe, vous serez très probablement renvoyée de Suisse sans possibilité de vous faire entendre. Si vous avez p.ex. fuit vers la Suisse en passant par l’Italie, vous aurez dû y laisser vos empreintes, même si vous n’avez pas demandé l’asile dans ce pays. Enceinte ou portant un bébé dans vos bras, vous ne pouviez vivre dans les rues de cette Italie dont tous les centres de requérant-e-s sont submergés et, comme vous n’aviez pas de place pour être accueillie dans un centre italien, vous avez cherché la sécurité en Suisse. Mais voilà que vous apprendrez qu’il n’est pas possible de déposer une demande d’asile en Suisse. C’est l’Italie submergée qui est responsable de votre accueil. Ainsi le veut Schengen (Accord Dublin). Et vous voilà renvoyée en Italie, sans garantie d’y trouver protection et sécurité.

Non, la Suisse n’est pas un lieu sûr pour les réfugiées.
Comment pouvez-vous, comment pouvons-nous contribuer à changer cela ?

Journalistes, traitez cette thématique, donnez un visage et une voix aux femmes qui cherchent refuge en Suisse. Pour éviter que ce soit le pur hasard qui tranche si un.e requérant.e d’asile trouve ou non l’aide nécessaire en Suisse, enquêtez, interrogez les responsables, les politiciens et politiciennes, utilisez les moyens à votre disposition au niveau parlementaire, fédéral et cantonal. C’est d’autant plus nécessaire en raison des procédures accélérées actuellement en vigueur! Collaborateurs et collaboratrices des oeuvres d’entr’aides, militant-e-s engagés dans des projets solidaires, lecteurs, lectrices chaussez vos lunettes « genre » pour comprendre et mieux tenir compte de ce que vit une femme sur la route de l’exil.

Informons-nous et signons l’appel d’elles en solidarité avec les femmes et les enfants demandant
l’asile.

http://www.appeldelles.ch/
http://www.terre-des-femmes.ch/de/themen/frauenfluechtlinge#FF_Schweiz
https://www.amnesty.ch/de/themen/asyl-und-migration/festung-europa/dok/2016/opfer-von-gewalt-und-ausbeutung

550366 3435907331713 961299423 n

 

 

24heures

 

Appel à 24 heures d’action solidaire féministe autour du Monde

 

Le samedi 3 juin, de 12.00 à 13.00h, rejoins-nous dans une action solidaire pour la paix à travers le monde. Tu peux manifester, écrire un message... ou tout simplement prendre une photo ou faire une vidéo et la mettre dans notre site facebook https://www.facebook.com/marchemondialedesfemmes/

Et nous l’envoyer sur notre courrier électronique : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..

 

Etre femme, c’est vivre constamment en état de guerre. Nous avons répété cette phrase lors de notre 4ème action internationale en 2015 en expliquant le contexte dans lequel nous, chez nous, sur nos communautés et territoires. Lors de notre 10ème Rencontre internationale à Maputo, en octobre 2016, nous étions toutes d’accord sur le fait que la violence et le terrorisme se répandent dans le monde à pas de géants. Partout, l'offensive conservatrice et la militarisation de la vie quotidienne des femmes sont devenues une tendance habituelle.

Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les femmes subissent les effets et les conséquences de l’occupation des territoires par les régimes impérialistes coloniaux qui soumettent les peuples à des conditions infrahumaines, la criminalisation, et pratiquent les assassinats et des emprisonnements traumatisants que le reste du monde contemple en silence. C’est cela une guerre.

Nous assistons à la montée de gouvernements d’extrême droite et populistes de droite dans bien des pays de la planète, qui imposent un recul des droits acquis pendant des dizaines d’années de luttes populaires pour la justice, la liberté et l’égalité. D’un côté ils appellent à l’intolérance, la haine et la guerre contre les minorités, les personnes migrantes, les noires, indigènes, anticonformistes. Et de l’autre, ces gouvernements imposent des programmes néolibéraux bien plus radicaux qui défendent les intérêts des multinationales qui ont soutenu leurs campagnes électorales.

Nous faisons face à de nouvelles formes de colonialisme, où les gouvernements, de connivence avec les multinationales, envahissent des pays en Afrique, Asie et Amérique latine au nom des investissements directs et de l’aide au développement. Ils manipulent les gouvernements nationaux dont ils ont financé l’élection, en utilisant les mécanismes de l’aide et sous les auspices des Accords de libre échange et des politiques néolibérales. Ils accaparent les terres, dépouillent et déplacent des familles et communautés entières, les privant de leurs moyens de gagner leurs vies et de toutes les ressources naturelles nécessaires à la vie. Dans ce contexte, les communautés ont à endurer une extrême pauvreté, la violence et la peur pour leur présent et leur futur. Les femmes en paient le prix fort et luttent pour garantir des moyens de subsistance à leurs familles, elles sont exploitées dans des travaux non rémunérés et finissent souvent dans la prostitution, le mariage précoce ou forcés et leur avenir est bouché.

La militarisation de nos vies quotidiennes s’est banalisée dans le monde entier. Les grandes puissances produisent des armes et les vendent aux pays dans lesquels elles ont des intérêts économiques solides. Les pays africains sont leurs marchés favoris, en particulier ceux d’Afrique occidentale et d’autres pays comme la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Côte d’ivoire et le Mozambique. Elles créent des dettes en fournissant des armes aux gouvernements nationaux et aux groupes rebelles, qui à leur tour sèment les guerres civiles et les attaques terroristes sur tout le territoire.

Pendant que les peuples luttent les uns contre les autres, les multinationales intensifient leurs opérations d’extraction de matières premières et elles récupèrent le peu d’impôts qu’elles paient sous forme de remboursement de la dette. Dans cette situation, les gouvernements nationaux n’ont plus la capacité d’offrir des services de base tels que la santé, l’éducation, l’eau et l’assainissement, le logement, le transport public, il n’y a plus de place pour la construction d’espaces démocratiques. Les violations des droits des femmes augmentent ainsi que la criminalité en général, lorsque les systèmes judiciaires ne défendent et ne protègent que les intérêts des élites politiques et garantissent l’impunité des multinationales. C’est une forme de guerre.

La démocratie a été bafouée et n’a pas permis que des élections justes soient organisés, au contraire, des gouvernements dictatoriaux restent au pouvoir pendant de longues années. Les droits constitutionnels et les lois sont manipulées et varient en fonction des intérêts d’élites minoritaires. Nous avons été témoins d’arrestations et assassinats de militants politiques, de la fermeture de leurs organisations en Turquie, au Burundi et dans bien d’autres parties du monde. Les institutions régionales et mondiales n’ont pas pu assurer de médiation dans les conflits ni exiger que des comptes soient rendus. Au contraire, elles légitiment ces dictatures.

Ces milliers de personnes se voient obligées à émigrer. Nous vivons une période historique marquée par la mobilité des personnes à la recherche d’un endroit sûr pour elles et la vie de leur famille. L’Afrique est le continent qui reçoit le plus grand nombre de migrants, enfants, femmes et hommes qui se déplacent des zones rurales vers les villes, d’un pays à l’autre.

Des milliers de migrants africains et du Moyen Orient meurent en mer Méditerranée dans leur tentative de rejoindre l’Europe pour sauver leurs vies, échapper à la brutalité causée par les guerres, la faim et les persécutions réalisées par les mêmes forces capitalistes mentionnées précédemment. Les personnes migrantes vivent dans des conditions très vulnérables et font face à toutes sortes de discrimination : leur citoyenneté n’est pas reconnue, elles n’ont pas accès à l’emploi, elles ne peuvent pas vivre avec leurs familles, elles sont exposés à la faim, aux maladies et bien d’autres fléaux. Ce sont des êtres humains qui ont des savoirs, des cultures, des valeurs et ont un rôle à jouer dans le processus de construction d’un monde meilleur pour tous.

Nous, militantes de la Marche Mondiale des Femmes, appelons toutes les militantes, camarades et amies du monde entier à se joindre à nous en une action solidaire pour la paix le samedi 3 juin, de 12 h à 13 h. Postez vos messages et vos photos sur notre page Facebook :

https://www.facebook.com/marchemondialedesfemmes/

Postez vos messages/revendications de paix, contre la guerre, pour les droits des migrantes, pour les femmes qui vivent en territoires occupés, pour les peuples affectés par les multinationales...

Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous serons en marche !