Pour éliminer la pauvreté
La mise en place par tous les États d’une loi-cadre et de stratégies visant l’élimination de la pauvreté. Une loi cadre est une loi « parapluie », de portée générale, qui donne une orientation globale, affirme des principes et établit des objectifs. Cette loi-cadre doit être prise en compte pour inspirer d’autres lois qu’un gouvernement voudra promulguer sur le même sujet, en l’occurrence l’élimination de la pauvreté. L’appellation « loi-cadre » peut varier selon les pays. En Amérique latine par exemple, on utilise « agenda national ».
Cette loi-cadre doit inclure des mesures pour garantir l’autonomie économique et sociale des femmes à travers l’exercice de leurs droits. Elle doit prévoir l’adoption de législations, de programmes, de plans d’action, de projets nationaux propres à assurer aux femmes, sans discrimination, les droits et l’accès :
Aux ressources de base
À l’eau potable ;
À la production et la distribution de la nourriture pour assurer une sécurité alimentaire à la population ;
Au logement décent ;
Aux services de santé de première ligne et de santé reproductive ;
À la protection sociale ;
À la sécurité du revenu tout au long de la vie.
À la culture
À la fin du processus d’homogénéisation des cultures.
À la citoyennetÉ
À la reconnaissance de la citoyenneté par l’accès aux documents officiels (carte d’identité) ;
À la participation égale des femmes aux instances politiques.
Aux ressources naturelles et économiques
À la propriété de biens familiaux et à la répartition équitable de l’héritage ;
Au crédit.
Aux ressources en éducation
À l’alphabétisation ;
À la formation professionnelle ;
Aux connaissances scientifiques et technologiques.
À l’égalité au travail
À l’équité et à l’égalité salariales aux plans national et international ;
Au salaire social minimum ;
À la protection statutaire pour les travailleuses à la maison et dans les secteurs informels de l’économie ;
À la syndicalisation et à la liberté d’association ;
À des postes de décision ;
Au respect des normes du travail (dans tous les lieux de travail y compris les zones franches) telles qu’adoptées par le Bureau International du Travail.
À l’égalité dans le partage des tâches
Les États doivent promouvoir, par des mesures incitatives, le partage des responsabilités familiales (éducation et soin des enfants, tâches domestiques) et adopter des mesures concrètes de soutien aux familles telles que des garderies adaptées aux horaires de travail des parents, des cuisines communautaires, des programmes de soutien aux devoirs et leçons, etc.
Les États doivent donc prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux valeurs patriarcales et sensibiliser la société à l’importance de démocratiser les structures familiales.
Les femmes revendiquent aussi que cesse la marchandisation de leur corps via les médias pour répondre aux besoins du marché. Elles insistent enfin pour que les États et les organisations internationales soient tenus de prendre des mesures pour contrer et prévenir la corruption.
Tous les actes, toutes les lois, tous les règlements, toutes les positions des États nationaux seront évalués à la lumière d’indicateurs comme :
· l’Indicateur de la pauvreté humaine (PH), proposé dans le Rapport mondial sur le développement humain de 1997 ;
· l’Indice de développement humain, proposé par le Programme des Nations Unies pour le développement ;
· l’Indicateur sexospécifique de développement humain (incluant un indicateur de représentation des femmes dans les postes de pouvoir), proposé dans le Rapport mondial sur le développement humain de 1995;
· la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail concernant les droits des peuples autochtones.
P-2 L'application urgente de mesures comme :
La taxe Tobin, les revenus de cette taxe seront versés dans un fonds spécial :
· dédié au développement social ;
· géré démocratiquement par l’ensemble de la communauté internationale;
· selon des critères de respect des droits humains fondamentaux et de démocratie ;
· avec une représentation paritaire des femmes et des hommes ;
· auquel les femmes auront un accès prioritaire
L’investissement de 0,7 % du produit national brut (PNB) des pays riches dans l'aide aux pays en voie de développement ;
Le financement adéquat et la démocratisation des programmes des Nations Unies essentiels à la défense des droits fondamentaux des femmes et des enfants tels UNIFEM (Programme pour les femmes), le PNUD (Programme pour le développement) et UNICEF (Programme pour les enfants) ;
La fin des programmes d'ajustements structurels
La fin des compressions et coupures dans les budgets sociaux et les services publics
Le rejet du projet d'Accord multilatéral sur les investissements (AMI).
P-3 L'annulation de la dette de tous les pays du tiers-monde en tenant compte des principes de responsabilité, de transparence de l'information et d'imputabilité.
Nous exigeons l'annulation immédiate de la dette des pays les plus pauvres de la planète, en appui aux objectifs de la campagne «Jubilé 2000».
À plus long terme, nous demandons l'annulation de la dette de tous les pays du tiers-monde et la mise en place d'un mécanisme de surveillance de la radiation de la dette qui veillera à ce que l'argent dégagé serve à l'élimination de la pauvreté et au bien-être de la population la plus affectée par les programmes d'ajustements structurels, dont les femmes et les enfants (particulièrement les petites filles) constituent la majorité.
P- 4 L'application de la formule 20/20 entre pays donateurs et pays récepteurs de l'aide internationale.
Ainsi, 20 % de l'argent versé par les pays donateurs doit être dédié au développement social et 20 % des dépenses de l'État qui reçoit des dons doit être consacré aux programmes sociaux.
P-5 Une organisation politique mondiale, non monolithique, ayant autorité sur l'économie, avec une représentativité égalitaire et démocratique entre tous les pays de la terre (s'assurer d'une parité entre pays pauvres et pays riches) et avec une représentativité paritaire entre les femmes et les hommes.
Au niveau économique
La Marche mondiale entend contribuer à mettre en place un système économique mondial juste, participatif et solidaire. Elle met donc de l’avant une revendication plus structurelle, un Conseil pour la sécurité économique et financière chargé :
· de redéfinir les règles d’un nouveau système financier mondial axé sur une répartition juste et équitable des richesses de la planète, sur la justice sociale et l’amélioration du bien-être de la population mondiale, en particulier pour les femmes qui en constituent plus de la moitié ;
· d’exercer un contrôle politique des marchés financiers ;
· de les «désarmer», les empêchant ainsi de mettre à mal les sociétés et de créer systématiquement de l’instabilité, de l’insécurité et de l’inégalité ;
· d’assurer une véritable régulation et une surveillance des organisations à vocation économique, financière et commerciale ;
· d’exercer un contrôle démocratique sur les échanges commerciaux ou, en d’autres termes, d’appliquer la « tolérance zéro » envers la criminalisation de l’économie.
La composition de ce Conseil n’est certes pas arrêtée et doit faire l’objet d’un débat au niveau international. Mais la Marche a tenu à indiquer quelques grandes balises incontournables : ainsi, la composition du Conseil doit inclure des représentant-e-s de la société civile (des ONG, des syndicats, etc.), assurer la parité hommes-femmes et la parité entre pays du Nord et pays du Sud.
Parmi les conditions de réalisation, la Marche revendique immédiatement :
· l’élimination de tous les paradis fiscaux (ils sont au nombre d’environ une quarantaine dont Gibraltar, les Iles Caïmans, le Liechtenstein, etc.) dont l’existence même constitue une forme de vol légalisé en permettant à des financiers, des entreprises, des dirigeants politiques, etc. de cacher « leur » argent et de le soustraire ainsi aux taxes, lois, réglementations des États ;
· la fin du secret bancaire, pratique anti-démocratique qui constitue également une autre forme de vol légalisé ;
· la redistribution de la richesse actuellement monopolisée par les sept pays industrialisés les plus riches.
Au niveau juridique
La Marche mondiale considère l’élimination de la pauvreté non pas simplement comme un objectif à atteindre mais comme un droit à mettre en application immédiatement. D’où la revendication d’un protocole pour l’application du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
P-6 Que soient levés les embargos et les blocus décrétés par les grandes puissances à l'égard de plusieurs pays et qui affectent principalement les femmes et les enfants.
Réaffirmer notre engagement pour la paix et la protection du fonctionnement démocratique et autonome des États Nations.
Pour éliminer les violences envers les femmes
V-1 Que les gouvernements qui se réclament des droits humains condamnent tout pouvoir politique, religieux, économique ou culturel qui exerce un contrôle sur la vie des femmes et des fillettes et dénoncent les régimes qui ne respectent pas leurs droits fondamentaux.
V-2 Que les États reconnaissent dans leurs lois et actions que toutes les formes de violence à l'égard des femmes sont des violations des droits humains fondamentaux et ne peuvent être justifiées par aucune coutume, religion, pratique culturelle ou pouvoir politique. Ainsi, les États doivent reconnaître aux femmes le droit de disposer de leur vie et de leur corps et de maîtriser leur fécondité (droit à l’avortement et à la contraception, contre les stérilisations forcées et pour le droit de mettre au monde des enfants).
V-3 Que les États mettent en œuvre des plans d'action, des programmes et des projets efficaces assortis des ressources financières et des moyens adéquats pour mettre fin aux violences faites aux femmes.
Ces plans d'action doivent comprendre notamment les éléments suivants : prévention, sensibilisation du public, répression, « traitement » des agresseurs, recherches et statistiques sur les violences faites aux femmes, prise en charge et protection des victimes, lutte contre la pornographie, le proxénétisme et les agressions sexuelles dont les viols contre les enfants, éducation non sexiste, accès facilité à la procédure pénale, formation des juges et policiers.
V-4 Que l'ONU fasse de véritables pressions pour que tous les États ratifient sans réserve et appliquent les conventions et les pactes relatifs aux droits des femmes et des enfants notamment, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention sur les droits de l'enfant, la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants.
Que les États harmonisent leurs lois nationales avec ces différents instruments internationaux en plus de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, les Déclarations du Caire et de Vienne, la Déclaration et le Programme d'action de Beijing.
V-5 Que soient adoptés dans les plus brefs délais des protocoles et des mécanismes de mise en œuvre :
· à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes;
· à la Convention sur les droits de l'enfant.
Ces protocoles permettront aux personnes et aux groupes de porter plainte contre un État. Ils constitueront des moyens de pression à l'échelle internationale pour obliger les États à mettre en œuvre les droits énoncés dans ces pactes et conventions. Des sanctions véritables à l'encontre des États récalcitrants devront être prévues. Il y a un protocole qui a été adopté concernant la CEDAW
V-6 Que la Convention de 1949 pour la répression et l'abolition de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui soit assortie d’un mécanisme d’application qui tienne compte des documents récents dont les deux résolutions de l'assemblée générale de l'ONU (1996) concernant le trafic des femmes et des fillettes et la violence à l'égard des femmes migrantes. Un ajout sera fait à cette revendication pour amener les États à ratifier la Convention de décembre 2000 portant sur le crime transnational et, particulièrement, les deux protocoles l’accompagnant traitant du trafic des êtres humains.
V-7 Que les États reconnaissent la juridiction de la Cour criminelle internationale et souscrivent aux dispositions selon lesquelles notamment les viols et les agressions sexuelles constituent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
V-8 Que tous les États mettent en œuvre des politiques de désarmement autant en ce qui a trait aux armes classiques qu'aux armes nucléaires et biologiques. Que tous les pays ratifient la Convention sur les mines anti-personnelles.
Que l’ONU mette un terme à toutes formes d’interventions, agressions ou occupations militaires, assure le droit des personnes réfugiées de retourner dans leur pays d’origine et fasse pression sur les gouvernements pour faire respecter les droits humains et résoudre les conflits.
V-9 Que soit adoptée dans les plus brefs délais la possibilité du droit d'asile pour les femmes victimes de discrimination et de persécutions sexistes et/ou de violences sexuelles.
V- 10[1] Que l'ONU et les États de la communauté internationale reconnaissent formellement, au nom de l'égalité de toutes les personnes, que l'orientation sexuelle ne doit priver personne du plein exercice des droits prévus dans les instruments internationaux que sont : la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes.
V-11 Que soit adoptée dans les plus brefs délais la possibilité du droit d'asile pour les personnes victimes de discrimination et de persécution en raison de leur orientation sexuelle.
[1]Les revendications V-10 et V-11 n’ont pas reçu l'appui de l’ensemble des femmes présentes à la rencontre en 1998 où nous avons adopté notre plate-forme mondiale pour les actions de l’an 2000. Elles n’ont donc pas été reprises par certaines coordinations nationales. Cependant, elles font partie intégrante de la plate-forme mondiale